Que retenir de la campagne sorgho 2024

14 février 2025 sorgho grain technique

des surfaces qui bondissent

Les surfaces françaises sont quasiment multipliées par deux et dépassent cette année les 100 000 hectares (source : Agreste). Ces hausses concernent principalement les zones habituées à la culture (Centre Val-de-Loire, Nouvelle Aquitaine et Occitanie). 

Le sorgho étant l’espèce pouvant se semer le plus tardivement au printemps, cette soudaine augmentation trouve sa source dans plusieurs explications. Tout d’abord, le marché augmente structurellement. En effet, de nombreuses filières (alimentation humaine ou animale, bio énergie) intègrent désormais le sorgho dans leurs recettes/fabrications. Ensuite, un automne extrêmement pluvieux localement sur le Centre-Ouest et le Sud-Ouest a fortement impacté les semis de blé tendre notamment, reportant ainsi d’importantes surfaces sur des cultures de printemps, de manière forcée. Enfin, le printemps fut pluvieux sur de nombreuses zones. Cela a d’ailleurs posé quelques problèmes de gestion de stock de semences, les dates possibles de semis reculant jour après jour, et les agriculteurs comme les distributeurs ont dû s’adapter et se tourner vers des variétés plus précoces.

La résultante est donc cette surface de sorgho record, rappelant les conditions de la campagne 2019-2020, avec des semis qui se sont étalés jusqu’à des dates très tardives, parfois jusque mi-juin.

Une année "particulière"

Le maître mot en agriculture est l’adaptation, et cette année ne fait pas exception. Les conditions météorologiques ont à nouveau beaucoup variées dans le temps et géographiquement. Cet été 2024 est le 8ème plus chaud depuis 1900, et donc en moyenne au-dessus des normales de saison. Il se situe cependant en deçà des récents étés 2018, 2019, 2022 et 2023 pour ce qui est des températures moyennes (voir graphique ci-dessous).

Que retenir de la campagne sorgho 2024 ?

Le graphique suivant illustre bien les variabilités régionales de l’été (juin – juillet –aout), avec des conditions chaudes et sèches plus marquées au Sud qu’au Nord, mais dans des mesures bien moins importantes qu’en 2023.

Que retenir de la campagne sorgho 2024 ?

Il est également intéressant de relever des vagues de fraicheur, notamment sur début juillet qui peuvent avoir conduits à un phénomène particulier : la stérilité apicale.

Que retenir de la campagne sorgho 2024 ?

Ce graphique montre les températures minimales et maximales sur la France pendant l'été. On peut notamment voir début juillet des températures minimales moyennes autour des 12°C (les pics descendants en bleu clair), suivi par des températures maximales supérieures à 25°C (les pics rouges vers le haut). Ces grosses amplitudes thermiques sur un court pas de temps peuvent avoir particulièrement stressé les plantes, et la stérilité apicale est une des réponses du sorgho face au stress. Cela résulte en un avortement des boutons floraux, et une absence de graines viables.

Bien que le sorgho soit originaire d’Afrique, des efforts de sélection variétale menés depuis plusieurs décennies ont permis de développer des variétés adaptées à l’Europe centrale.
Cependant, le sorgho reste exigeant en températures moyennes à élevées, d’ensoleillement, tout en étant sensible au froid. Ces caractéristiques diffèrent selon les variétés, bien que le facteur déterminant reste le stade de développement de la plante au moment du stress.

Ces stades arrivent plus ou moins rapidement selon les variétés. Sur le marché français, la somme de degrés jours entre semis et floraison varie de 835 à 970 (source : dépliant sorgho Arvalis 2024), ce qui équivaut à +/- 2 semaines de végétation.

Pour rappel, le 0 de végétation (température minimale nécessaire à la plante pour assurer sa croissance) du sorgho se situe entre 10 et 12°C, et il est particulièrement sensible à deux stades clés :

- Au cours de la méiose, soit l’équivalent d’un épi 1cm sur le blé, qui correspond au stade de production des gamètes, permettant la reproduction sexuée des plantes. Elle se remarque facilement par une présence de peu de grains, éparpillés sur la panicule.

- Au cours de la floraison, où des températures basses empêchent la pollinisation et la fécondation des panicules. Elle est alors caractérisée par des étages de grains avortés, correspondant à l’échelonnement de la floraison sur la panicule (voir photo). Certaines panicules peuvent être très impactées si la période de froid/stress est prolongée.

Que retenir de la campagne sorgho 2024 ?

Une pression ravageur jamais vue, qui semble liée à des dates de semis tardives

Le sorgho, culture d’ordinaire épargnée par les ravageurs (sauf exceptions locales), a connu cette année une recrudescence d’attaques d’héliothis (aussi appelée noctuelle de la tomate). Ce papillon présent partout dans le monde, dont les larves s’attaquent à quasiment toutes les cultures (maïs, légumes, pois chiche, soja, sorgho etc.), a entraîné de nombreux dégâts sur les grains en formation, avec des pressions importantes, parfois plusieurs chenilles visibles par panicule. Des individus de différents stades ont pu être observés dans les parcelles, rendant complexe la lutte. 

Peu de zones ont été épargnées avec des attaques remontant jusque dans le Centre Val de Loire, ce qui ne s’était pas encore produit. Des traitements insecticides étaient nécessaires pour réduire la population avec un choix de matières actives limitées et des efficacités variables. Une incidence sur le rendement s’est faite ressentir dans le cas d’attaques de grandes ampleurs.

Il semblerait que les parcelles les plus touchées soient liées à des semis tardifs, les sorghos les moins avancés en stade ayant servis de relais aux papillons venant d’autres cultures comme le pois chiche.

Que retenir de la campagne sorgho 2024 ?

Des conditions de récoltes chaotiques pour les cultures de printemps

Les semis tardifs et contraints ont significativement décalé la fin de cycle. Mais là encore une météo pluvieuse sur octobre et novembre n'a fait que décaler les dates de récoltes, surtout sur la moitié Nord. Il n'était pas rare à Noël d'encore pouvoir observer des parcelles de tournesols, de maïs ou de sorgho étant restées sur pieds. Pour les récoltes ayant pu se faire en novembre, un séchage était obligatoire, les taux d'humidité étant toujours supérieurs à 20%.

Des rendements moyens impactés

L’estimation Agreste de rendement moyen du sorgho en France fait état d’une baisse autour de 12,5% (de 56q/ha à 49q/ha), ce qui s’explique par les différents facteurs expliqués précédemment. Encore une fois, il existe de fortes disparités locales.

A quoi s’attendre en 2025 ?

Cette hausse des surfaces ne devrait pas, à l’image de 2019 ou 2020, entraîner de surstock ou de report chez les collecteurs. Les marchés français et européen sont en capacité d’absorber facilement cette production exceptionnelle. Le sorgho grain en Europe est aujourd’hui principalement utilisé dans l’alimentation des monogastriques (porcs et volailles).

Les semis de céréales d'hiver 2024 ont moins été impactés qu'en 2023, mais ils restent inférieurs à la moyenne 2021-2023 de l'ordre de 350 000 hectares. Ces surfaces seront répercutées sur les cultures de printemps 2025, et notamment le sorgho.

Cette année 2024 pluvieuse n'a pas permis au sorgho de montrer sa valeur dans les assolements, avec des résultats nets qui sont en deçà d’autres cultures.

Il convient cependant de ne pas oublier les deux campagnes précédentes et la tendance climatique globale, qui permettent au sorgho de faire valoir ses qualités (tolérance à la sécheresse, faibles besoins en intrants).

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